Note pédagogique

Note pédagogique

Contexte

A la fin de l’exercice de remake en troisième année à l’IAD, on nous demande d’écrire une note, sorte de compte rendu de notre expérience.
Le tournage de mon remake de Cashback ayant connu de grands bouleversements, le professeur m’a demandé d’orienter ma note autour de la question suivante : Quelle est la conséquence de l’incompétence d’un assistant réalisateur sur le travail du réalisateur d’un film ?

La note

Après ces sept semaines dʼexpérience sur les remakes, je crois que nous avons tous cerné les difficultés et les impératifs des différents postes que nous avons endossés.
 La note d’Éléonore, à propos de son assistanat sur «La main», a très bien résumé ce quʼil faut savoir faire et mettre en place quand on est assistant-réalisateur.

En ce qui concerne mon expérience sur «Cashback», je peux dire que jʼai assisté à une démonstration par lʼabsurde de ce que doit être un bon assistant-réalisateur.
 Là où mon expérience peut donc être intéressante, par rapport à ce que nous avons déjà lu, est que je perçois maintenant précisément les conséquences du travail de lʼassistant sur celui du réalisateur.

Être présent

Tout le monde sait quʼun assistant doit connaître parfaitement le projet quʼil assiste. Non seulement au niveau des intentions du réalisateur, mais aussi des difficultés que cela induit, et des impératifs qui se forment à mesure que le projet se construit.
 L’assistant doit donc prendre en compte toutes les informations pour être capable de préparer du mieux possible, aussi bien le plateau que lʼavancement dʼune journée. Et pour cela, il doit sʼintéresser à ce que lʼon va tourner, pourquoi, comment et dans quel ordre.

Un assistant réalisateur

Il va sans dire que lʼassistant est là pour assister. Et que lʼon assiste efficacement en étant certes un peu distant et objectif, mais surtout toujours positif et constructif. 
Il ne sert à rien de «faire remarquer » au réalisateur que son film ne nous plaît pas, quʼil est dʼune qualité que nous ne reconnaissons pas, et que le projet est si ambitieux quʼil va « droit dans le mur ». Mieux vaut travailler dans la discussion avec lui, pour lui faire prendre conscience des difficultés et le préparer à toute éventualité. Il faut donc rester concentré sur les moyens à mettre en place, les choses à construire, être sûr se poser toutes les questions nécessaires et prévoir des plans «B», même hypothétiques.

La communication avec le réalisateur

Il est intéressant de constater que lʼassistant doit toujours être présent aux côtés du réalisateur. De cette façon, il peut assister, écouter et enregistrer, sans dire un mot, aux discussions et décisions prises par le réalisateur. Après cela, il devient facile de structurer ces informations, de les passer aux chefs de poste correspondants de manière à faire avancer la mise en place du plan ou de la scène en cours.
Si lʼassistant nʼest jamais là au moment de la prise de décision, cela peut très facilement freiner le réalisateur, qui se voit donc constamment obligé de répéter toutes les décisions quʼil a prises, pour que lʼassistant les enregistre.

Être à lʼécoute de ce qui se dit et ce qui se fait

Un assistant qui nʼouvre pas ses oreilles ne peut pas faire son travail. Sʼil ne regarde pas et nʼécoute pas ce qui se passe sur son plateau, il ne peut pas appréhender ce qui sʼy passe, et devient donc obsolète.
 Ses interventions sont redondantes, car il donne des ordres qui ont déjà été réalisés, ou qui sont en train de se faire à lʼinstant où celui-ci les édicte.
Cela a pour conséquence dʼénerver lʼéquipe technique, qui nʼaime pas se voir reprocher de ne pas faire quelque chose quʼelle a déjà eu lʼinitiative de faire toute seule (car «elle» écoute ce qui se passe.)
Le réalisateur se retrouve donc étrangement à devoir informer lʼassistant de la progression, alors que cʼest à lʼassistant dʼavoir toutes les informations pour les exposer au réalisateur : Que se passe-t-il ? Où en est-on ? Quʼest-ce quʼon attend ? Que reste-t-il à faire ? Quʼest-ce quʼon fait après ? etc.

La communication avec lʼéquipe

Le meilleur moyen pour que lʼéquipe, du réalisateur au comédien, en passant par lʼélectro ou le cadreur, puisse travailler tranquillement et efficacement est de maintenir un plateau calme et serein.
 Un assistant qui crie en permanence prive non seulement toute lʼéquipe dʼun bon environnement de travail, où lʼon peut sʼécouter, sʼentendre parler et réfléchir, mais il perd rapidement toute écoute auprès des membres du plateau.
Ceux-ci ne désirent plus quʼune chose : fermer leurs oreilles pour ne plus être victimes dʼun niveau sonore parasite.
 En étant clair et précis, lʼassistant répartit rapidement des informations utiles au bon avancement du tournage, et chacun sait ce quʼil doit faire. Mais surtout, il faut que ces informations soient partagées et vécues dans une ambiance de travail agréable. Et pour cela, il faut que chacun ait lʼimpression dʼêtre reconnu et apprécié pour son travail.
Si lʼassistant emploie un ton supérieur, agacé et provocant, il nʼobtiendra jamais ce quʼil voudra. Personne nʼa envie de recevoir dʼordre de quelquʼun qui semble nous considérer avec mépris. Surtout lorsque lʼon sait que l’on fait du bon travail.
 Les personnes les plus sensibles à lʼambiance dʼun plateau sont sans conteste les comédiens. Ils sont au milieu de tout, souvent en attente, et se concentrent pour fournir un travail considérable et formidable. Il faut donc avant tout les préserver et en aucun cas ne leur parler sur un ton offensif ou dédaigneux.

De plus, on installe un processus filmique pour tenter de recréer une vérité palpable par lʼintermédiaire du travail entre un réalisateur et des comédiens.
 Si lʼassistant coupe constamment la parole au réalisateur alors que celui-ci parle avec ses comédiens, il ne lui laisse pas la possibilité de faire son travail. Et si lʼassistant ne permet pas aux comédiens dʼexprimer ce quʼils veulent communiquer au réalisateur, sʼil leur parle mal, il casse le lien central qui justifie tous les moyens incroyables que lʼon déploie.
Si ces différents points ne sont pas appliqués sur le plateau, on peut assister à une dérive entre le rôle de lʼassistant et celui du réalisateur : ici, le réalisateur est plus au fait que lʼassistant de ce qui se passe techniquement et concrètement sur le plateau. Lʼéquipe aura donc tendance à sʼadresser à lui pour valider lʼordre des choses, et le réalisateur se retrouvera à orchestrer la répartition des tâches et lʼorganisation dʼun plateau en même temps que sa direction artistique. Et tout cela, dans une ambiance sonore déconcertante.

On peut donc affirmer que lʼassistant est un véritable catalyseur qui a pour charge dʼanticiper et dʼaccompagner la mise en marche dʼun plateau, de prendre en main toute lʼénergie et la motivation dʼune équipe pour lʼemmener «à bon port».
 Si lʼassistant crie, nʼécoute pas, répète des informations obsolètes, est perdu et pose des questions au réalisateur dont il doit normalement avoir la réponse, on obtient rapidement une sorte de confusion permanente qui a pour résultat de casser lʼénergie de lʼéquipe, et de ralentir tous les processus. 
Dans cette configuration, lʼassistant nʼa plus «les pieds bien dans la terre», ce qui a pour désastreuse conséquence dʼempêcher le réalisateur de «décoller avec ses comédiens».
En manquant de respect aux membres de lʼéquipe (technique et artistique) et en étant générateur dʼune ambiance sonore et générale tendue, chaotique et débordante, lʼassistant se décrédibilise et anéantit son autorité. Dans cette atmosphère, les comédiens se fatiguent incroyablement vite et ne peuvent en aucun cas travailler correctement.

Le réalisateur finit lui aussi par ne plus sʼentendre penser et nʼest plus dans la capacité dʼexploiter le fond de ses idées et de ses envies.
 En cassant lʼénergie qui tente de persister, la dynamique est perturbée, ralentie, les gens ne sont plus aussi efficaces : ils sont parasités.
Les conséquences sont accablantes : toute une équipe peut être menée à bout nerveusement, alors quʼelle tente de finir son travail correctement.
Certains craquent, partent en pleurant, ou se mettent à crier tandis que dʼautres deviennent blasés et cessent de réagir.
 À la fin du tournage, cela sʼillustre par une euphorie hystérique, des monologues suraigus au débit impressionnant ou des éclats de rire incontrôlables.
En ce qui me concerne, jʼai la sensation de nʼavoir pas pu profiter de mes comédiens ou de lʼenseignement que certaines mises en place auraient pu mʼapporter. Jʼai aussi eu lʼimpression de me faire agresser de façon répétée, et de me faire parasiter dans le travail que je tentais dʼaccomplir. Ce qui mʼa littéralement épuisée.

Les solutions ?

Il faut toujours essayer de communiquer, même lorsque lʼon se trouve face à un mur. De cette façon, on aura au moins lʼimpression dʼavoir tenté dʼexpliquer nos besoins et nos envies pour que tout se déroule comme on lʼaurait souhaité.
 Sur un tournage professionnel, il est possible que la solution soit beaucoup plus radicale et se solde par un renvoi immédiat et inconditionnel. Mais dans le cadre dʼun exercice scolaire, on remet ce genre de décisions aux instances professorales, qui sont mieux placées que nous pour savoir par quoi nous devons passer pour apprendre toujours plus. Enfin, on peut dire que lʼélément le plus fondamental à lʼélaboration dʼune bonne réalisation et que nous devons être capable de bien nous entourer.
Avec des personnes impliquées, sérieuses, motivées et pleines dʼenvie, nous sommes tous transportés les uns par les autres et faire un film peut devenir un cadeau.
 Alors il ne faut jamais renoncer et continuer à croire au travail en groupe et aux rencontres que cela peut apporter.

Merci pour le courage de lʼéquipe de Cashback.